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plutôt que d’une révolution complète, voulaient, pour la nation, une certaine mesure de liberté dont ils espéraient se rendre les arbitres : d’au- tres, redoutant les violences de la cour, que dès le commencement de la révolution ils avaient outragée, voulaient une constitution ferme et stable qui les mît à l’abri de ses vengeances ; mais en désirant cette constitution, plus pour leur sû- reté personnelle et pour le succès de leur ambi- tion que par amour poiu* la liberté, ils comptaient sur la dépravation des mœurs publiques, qui corrompant la liberté dans sa source, la rendrait illusoire en retenant le peuple dans une abjection servile à l’égard des grands propriétaires, c’est- à-dire en général, des nobles. Le mépris pour le peuple, maladie incurable de la noblesse fran- çaise, ne lui permettait pas d’admettre, comme praticable en France, une liberté fondée sur la seule base vraiment immuable, l’égalité absolue des c toyens.

Telles étaient, à l’ouverture des états-généraux et au commencement de l’assemblée nationale, les dispositions de ceux qui se portaient pour amis du peuple, connus alors sous le nom de minorité de la noblesse. Mais après la prise de la Bastille, après la chute subite du despotisme et la fuite de ses agens, lorsque Tanarchie eut ouvert un libre cours à la licence, au brigandage, à l’incendie des châteaux, tous les nobles, de quelque parti qu’ils fussent, saisis d’une égale terreur, sentirent égale-