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Nos électeurs irexigent pas que nous remet- tions sous leurs yeux le vaste et sublime tableau, ou plutôt la suite de tableaux que présente cette marche du roi depuis Versailles jusqu’au sein de la capitale, dans une route de quatre lieues cou- verte d’un peuple immense; un million d’hommes, spectateurs et acteurs à la fois, dominés par des passions diverses, mais alors mêlées, réunies et concentrées dans un même intérêt ; deux ou trois cents mille citoyens changés depuis quatre jours en soldats, les uns régulièrement, les autres bi- zarrement armés, formant dans ce long intervalle une haie de plusieurs rangs ; ce morne silence, que le roi prend d’abord poiu’ un danger, mais qui n’était qu’un reproche ou un conseil; ces cris de vive la nation / expression si nouvelle pour le petit-fils d’un monarque qui disait Vétat cest moi; ces trois cents membres de l’assemblée nationale précédant ou suivant à pied la voiture du roi, ap- plaudis avec transport, consolés de leurs peines par les bénédictions d’un grand peuple, mais ac- cablés de leurs fatigues précédentes, de leurs craintes passées, et de leurs inquiétudes sur un avenir obscur et incertain où la pensée ne péné- trait qu’avec effroi ; le monarque et cet imposant cortège arrivant à Paris et accueillis si dillérem- ment, le roi avec respect, et les députés avec l’ivresse d’une joie fraternelle, couverts de fleurs semées sur leurs pas, de couronnes, de guirlandes jetées du haut des fenêtres ; un mélange singulier

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