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le mouvement général, la servirent en la détes- tant, et pour se mettre à couvert des dangers qu’eût attirés sur eux une suspecte et alarmante inaction. Voilà ce qui sauva Paris; et tel fut le concours des causes qui empêchèrent que la ruine du gouvernement n’entraînât celle de la société même.

Esquissons rapidement quelques traits de ce tableau si varié, si mobile, trop supérieur au pin- ceau et à la description.

Les événemens de la veille en présageaient de plus terribles pour le lendemain. La crainte et les précautions de la prudence avaient tenu éveillée une grande partie des citoyens. Les brigands avaient, dans la soirée du dimanche, paru les maîtres de la ville ; cette même nuit, on avait vu paraître dans les rues des patrouilles composées d’hommes et même de femmes, armés de fusils, de sabres, de haches, de massues, agitant en l’air des flambeaux allumés. Il est vrai que cet appareil, imaginé pour défendre et pour éclairer la ville, semblait la menacer d’incendie, et inspirait plus de terreur que de confiance, en montrant sous le même aspect le secours et le danger, les amis et les ennemis, les citoyens et les brigands. En effet, dès le matin, plusieurs de ces derniers, marchant en troupes, enrôlaient de force les passans pour aller brûler les maisons des aristocrates, nom sous lequel ils comprenaient tous les proprié- taires et même tout homme dont le maintien an-