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passent les bacs vis-à-vis l’hotel des Invalides, et viennent se ranger en bataille dans les Champs- Elysées.

Dès que le peuple voit s’avancer cette colonne imposante, il murmure, il s’indigne, il mêle la menace à la crainte; et bientôt le bruit se répand qu’une armée venait pour égorger tous les liabi- tans de Paris. Mais quelle fut leur fureur, quand ils virent cette armée, que la terreur seule avait grossie à leurs yeux, s’augmenter et se recruter en chemin des dragons, des hussards, des régimens de Royal-Bourgogne, de Royal-Cravate, et enfin d’un détachement du guet à cheval ! Ce dernier corps, que les habitans de Paris avaient toujours détesté, était devenu pour eux un objet d’hor- reur, depuis que la police en avait fait l’instru- ment du despotisme le plus odieux. Une guerre ouverte s’était élevée entre lui et cette portion du peuple que l’orgueil désigne sous le nom de populace ou même de canaille, et que plus d’une fois le guet avait foulée aux pieds dans les rues, sur les qtiais, et même sur les trottoirs des ponts. La seule apparition des cavaliers de ce corps suffisait pour provoquer le peuple au combat. Mais quel combat! et combien il était inégal! Des pierres, alors la seule arme du peuple, assaillirent les hommes et les chevaux. A ces coups peu meur- triers, les adversaires répondent par des coups de fusil, dont le bruit appelle de nouveaux combat- tans ou de nouveaux témoins. La nouvelle de ce