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DE CHAMFORT. 223

temps, y prendront-ils ces idées de liberté poli- tique qui déjà inquiètent les dépositaires du pou- voir dans les cantons où règne l’aristocratie. Sans doute que, dans ces cantons, ceux qui gouvernent auraient voidu que les Suisses au service de France eussent cru n’être qu’au service du roi, et qu’ils eussent obéi fidèlement aux ordres du despo- tisme: mais cette imprudence, qu’eût-elle produit qu’une inutile effusion de sang et la destruction de ceux qui s’en seraient souillés ? Telle est, de- puis cette époque, la propagation des idées libres, que peut-être les aristocraties helvétiques re- doutent, pour leurs sujets établis en France, la communication de ces idées qu’ils pourraient reporter dans leur patrie ; il est probable qu’elles s’empresseront moins d’exposer leins compa- triotes à la contagion qu’elles redoutent. Elles aimeront mieux les vendre à des despotes chez lesquels les Suisses sont moins exposés à se cor- rompre, que dans un pays entièrement libre comme la France, qui peut leur apprendre que, dans les cantons aristocratiques, ils ne jouissent que d’une liberté trop incomplète.

Quant aux autres corps de troupes étrangères au service de France, un décret de l’assemblée nationale les a depuis peu incorporés dans l’armée française ; et cette mesure provisoire annonce et présage le moment où la liberté n’admettra que ses enfans et ses amis parmi ses défenseurs armés.