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comme si le monarque était en guerre avec sou peuple. Partout les rois se sont trop souvent, il est vrai, montrés les ennemis des nations qu’ils gouvernaient : mais cette vérité cruelle, ne de- vaient ils pas la cacher avec soin, plutôt que de l’annoncer, de la publier eux-mêmes, de la rendre, en quelque sorte, visible aux yeux les moins éclairés, en ne s’offrant aux regards qu’avec l’ap- pareil d’une force armée, et surtout d’une force étrangère, entourés d’hommes indifférens au bien, au mal de leur empire, sans patrie, sans affection locale, insensibles comme l’acier qui les couvre et comme le fer dont ils menacent les citoyens ? Ah ! si cette pompe féroce est odieuse et déplacée partout, combien ne l’est-elle pas davantage chez un peuple de tout temps célèbre par son amour pour ses rois!

Ces réflexions sur les troupes étrangères, soit dans l’armée, soit auprès de la personne de nos rois, ne peus ent s’appliquer rigoureusement aux Suisses, qui, par une singularité remarquable, née de leur constitution politique, conservent le goût de la liberté, en vendant leurs services mili- taires aux despotes. Leur conduite dans la révo- lution a prouvé qu’en se croyant engagés au ser- \ice du roi, ils ne se regardai eut pas comme étran- gers à la nation. Fidèles à la discipline, ils ont prévenu des désordres, sans se montrer disposés à répandre le sang français. Cette sagesse semble les naturaliser en France; et peut-être, avec le