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avaient attiré dans les Tuileries une affluence de inonde plus grande que de coutume. Qu’on se figure le tumulte, l’effroi, la surprise de ces ci- toyens paisibles, voyant accourir, avec les signes de la terreur, une foule d’hommes qui cherchaient un asile dans le jardin ; et, sur leurs pas, se pré- cipitant après eux une troupe de cavalerie, les poursuivant, les frappant à coups de sabres y renversant et foulant ceux qui se trouvaient sur leur chemin. Dans ce désordre, on distinguait le féroce prince de Lambesc, qui, le sabre nu, blessa un vieillard à qui l’âge ne permit pas de fuir assez promptement. Cependant, après le premier instant de terreur, ceux qui, plus près du Pont-Tournant et des terrasses voisines, avaient vu les cavaliers de Royal-Allemand s’engager dans le jardin, s’animent tout-à-coup d’une fureur égale au péril qu’ils ont couru. Le grand nombre de chaises dont le jardin était rempli, devient, pour les citoyens désarmés, une arme de défense. Les uns s’en couvrent pour être à l’abri des coups qu’on dirige sur eux : d’autres les lancent sur les soldats du haut des terrasses qui couronnent le fer à cheval. Ces chaises, semées et accumulées vis- à-vis le Pont-Tournant, deviennent un obstacle au retour des cavaliers : ils s’en appercoivent, et eux mêmes craignent d’être enfermés parmi des ennemis sans armes. Déjà l’on essayait de tourner le Pont, lorsque les cavaliers, revenus sur leurs pas, écartent la foule, et, regagnant les Champs-