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a02 OEUVRES

plus paisibles. Les amis, les voisins se visitaient ; les indifférens même s’abordaient avec cet air de confiance, de bienveillance mutuelle, qui naît du sentiment d’un péril et d’un intérêt commun. Dès la veille, un bruit sourd s’était répandu que M. Nec- ker était disgracié, et l’on connaissait les disposi- tions de la cour peu favorables pour ce ministre. Elle pardonne rarement à ceux qui ont été l’objet d’un enthousiasme universel, comme il l’avait été le jour de la séance royale; et de pareils triomphes sont représentés, par les courtisans, comme de cruelles offenses pour le trône. Cependant, telle était à Paris l’opinion qu’on avait de M. Necker, du besoin que la cour même avait de lui, qu’on supposait la cour convaincue de cette vérité, au- tant que la capitale. Cet homme célèbre jouissait alors, dans une monarchie, d’une popularité que les démagogues les plus heureux ont rarement obtenue dans les républiques : on se plaisait à voir en lui l’homme du peuple et l’ami de la liberté. Il l’était en effet, mais dans des limitations alors inconnues, qu’il n’a laissé entrevoir depuis que successivement et par degrés, jusqu’à l’instant où il les a enfin exprimées et motivées, dans un ou- vrage composé après son départ, et qui ne lui a pas rendu la faveur nationale. Revenons à ce mo- ment du 12 juillet, qui associe le triomphe de M. Necker aux premiers mouvemens de la liberté naissante.

A peine la nouvelle de sa disgrâce et de son dé-