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fatigué de la gloire, que je ne le suis d’en voir un autre importuné du bruit qu’on fait dans son antichambre.

— J’ai vu, dans le monde, qu’on sacrifiait sans cesse l’estime des honnêtes gens à la considération, et le repos à la célébrité.

— Une forte preuve de l’existence de Dieu, selon Dorilas, c’est l’existence de l’homme, de l’homme par excellence, dans le sens le moins susceptible d’équivoque, dans le sens le plus exact, et, par conséquent, un peu circonscrit : en un mot, de l’homme de qualité. C’est le chef-d’œuvre de la providence, ou plutôt le seul ouvrage immédiat de ses mains. Mais on prétend, on assure qu’il existe des êtres d’une ressemblance parfaite avec cet être privilégié. Dorilas a dit : Est-il vrai ? quoi ! même figure ! même conformation extérieure ! Eh bien ! l’existence de ces individus, de ces hommes (puisqu’on les appelle ainsi), qu’il a niée autrefois, qu’il a vue, à sa grande surprise, reconnue par plusieurs de ses égaux ; que, par cette raison seule, il ne nie plus formellement ; sur laquelle il n’a plus que des nuages, des doutes bien pardonnables, tout-à-fait involontaires ; contre laquelle il se contente de protester simplement par des hauteurs, par l’oubli des bienséances, ou par des bontés dédaigneuses ; l’existence de tous ces êtres, sans doute mal définis, qu’en fera-t-il ? comment l’expliquera-t-il ? comment accorder ce phénomène avec sa théorie ?