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aux observations de son ami ; il produisait ses œuvres comme il se sentait forcé de les produire, sous l’impulsion de la nécessité intérieure. Comme créateur d’art, il ne pouvait qu’agir et rester seul ; même un Gœthe ni un Schiller n’eussent pu le conseiller. La seule chose qu’on pût lui donner, c’était l’amour, « cette patrie de son art », comme il l’appelle lui-même ; et c’est cela précisément que Liszt lui prodigua.

Auprès du nom d’un Liszt, ceux des autres amis de Wagner risquent de pâlir et de s’effacer, mais non pas, certes, le mérite de leur fidélité. Dès l’arrivée à Zurich, ce furent deux hommes excellents, Baumgartner, professeur de piano, et le premier secrétaire d’État Sulzer, qui le secoururent matériellement pendant les premières semaines. Plus à même de l’aider, une bienfaitrice à lui personnellement inconnue, Mme Laussot, femme d’un négociant français, le fit dans une très large mesure ; elle avait, pendant un séjour à Dresde, conçu une admiration enthousiaste pour les œuvres de Wagner. Une amie, Mme Julie Ritter, qui l’avait précédemment secouru à diverses reprises, put, de la fin de l’année 1851 jusqu’à celle de l’année 1856, et grâce à un héritage qu’elle avait fait, lui servir une petite rente annuelle. Son fils, Karl Ritter, musicien de talent, fréquenta beaucoup Wagner à Zurich ; la correspondance avec Liszt et Uhlig le mentionne souvent. Cette amitié même était due à l’art de Wagner, car c’étaient les représentations de Tannhäuser à Dresde qui l’avaient commencée. Alexandre Ritter, le frère de Karl, compositeur bien connu, faisait alors partie de l’orchestre. Il fut un des premiers partisans du maître, et l’un des plus méritants ; il entra, plus tard, dans la famille, par son mariage avec la nièce de Wagner, Franziska. En 1856, le riche négociant Wesendonck et sa femme