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fuir, mais avec la ferme intention de revenir à Dresde, dès que l’état d’excitation des esprits se serait apaisé. Ce ne fut qu’avec peine que son beau-frère le décida à quitter un sol dangereux pour lui, et le conduisit à Weimar. Là encore, Wagner se conduisit en homme qui n’a rien à craindre, se promenant dans la ville, se montrant au théâtre, persuadé qu’il était que tout malentendu s’éclaircirait bientôt. Il fallut, pour lui ouvrir les yeux, la nouvelle qu’un mandat d’amener venait d’être lancé contre lui. Or, à cette époque, être accusé ou condamné c’était tout un ; comme le dit Roeckel, en parlant précisément de Wagner : « On savait trouver ce qu’on voulait, et le désir de convaincre tenait lieu d’évidence. » Grâce aux efforts de son grand ami, Franz Liszt, qui alors, pour la première fois, joua un rôle décisif dans l’histoire de sa vie, Wagner put se procurer un passe-port sous un nom emprunté et gagner ainsi le territoire helvétique.

Je ne crois pas que, de tout ce qu’on vient de lire, on puisse rien tirer qui dénote, chez Wagner, le sentiment de sa culpabilité. Si de ses actions, nous passons à ses propres déclarations, le doute n’est plus permis. Ce qui le détourna, en 1856, de faire présenter au roi de Saxe une demande d’amnistie, afin d’être autorisé à rentrer dans sa patrie, ce fut « la conscience de n’avoir commis aucun crime passible d’une cour de justice, et l’impossibilité morale où il se sentait de s’avouer coupable ». Dans son État et Religion, il est encore plus explicite : « Quiconque a pu m’attribuer le rôle d’un révolutionnaire politique ayant pris place dans le rang, ne savait évidemment rien de moi, et était la dupe d’apparences qui peuvent bien induire en erreur un commissaire de police, non un homme d’État. »

Pour tout homme de sens, me semble-t-il, la causa