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de « l’héroïsme » des troupes prussiennes : mais comme, tout compte fait, elles avaient perdu trente-et-un hommes et que leurs adversaires, qui combattaient à l’abri et pour qui la retraite était facile, en avaient perdu six fois autant, on est fondé à croire que ces derniers se battirent pour le moins tout aussi héroïquement.

Il n’est, certes, pas douteux que les sympathies de Wagner fussent acquises aux insurgés ; nous savons même qu’il put leur rendre quelques services, car, dans une lettre de 1851, il reconnaît qu’il s’est « employé à leur envoyer des renforts », et, d’après certains rapports, il aurait fait sonner le tocsin au Kreuzturm, bien que d’autres témoins infirment ce dire[1]. Faire de l’histoire véritable avec les racontars contradictoires qui nous sont parvenus sur une époque aussi agitée serait positivement impossible. Mais nous pouvons nous fier au témoignage de l’homme dont la vie entière fut la démonstration de ce qu’il déclarait à Liszt : « Je ne puis pas mentir ; il n’y a pour moi qu’un véritable péché, le mensonge. » Son propre témoignage me paraît décisif, et je parle ici, non seulement de ses paroles, mais de ses actions. Que furent ces dernières à ce moment de sa vie ? Après la prise de Dresde par les Prussiens, Wagner se rendit à Chemnitz chez son beau-frère Wolfram, non qu’il crût devoir

  1. Le professeur et docteur Thum, de Reichenbach, trouva Wagner sur la tour et déclare avoir eu avec lui une conversation animée sur les concerts du Gewandhaus de Leipzig, sur Berlioz, Beethoven, la musique pure et la musique dramatique, sur la philosophie, tant antique que chrétienne, etc. ! (Allgemeine Musik-Zeitung, 1er  septembre 1893). Le professeur et docteur Kietz, le sculpteur bien connu, m’a raconté à moi-même que Wagner l’avait engagé à faire avec lui l’ascension de la tour, pour juger de la magnificence du spectacle et de l’effet absolument enivrant du son des cloches se mariant au tonnerre de l’artillerie !