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dès qu’il s’agit de celui-là. Vouloir forcer n’importe qui à admirer ses œuvres serait le comble du ridicule. Tel peut être ainsi fait qu’elles lui resteront à tout jamais incompréhensibles. Tel autre les condamnera par des raisons de principes, qui commandent au moins le respect. Mais, par contre, il n’y a personne qui ait le droit d’ajouter foi à tous les misérables mensonges inventés à plaisir pour rabaisser l’homme que fut Wagner.

Tout ce que nous venons de dire au sujet de la critique fera facilement comprendre l’inutilité des efforts de Wagner pour exercer une influence bienfaisante de quelque durée sur le théâtre de Dresde. Le personnel d’opéra y était alors le meilleur de l’Allemagne, l’orchestre, au dire de Wagner lui-même, « dans son genre le plus choisi et le plus parfait de son pays », le mérite des chœurs, conduits par Fischer, « incomparable », la voix de Tichatchek, le ténor héroïque, « une merveille de virile beauté », et puis, surtout, n’y avait-il pas là Wihelmine Schrœder Devrient, la plus grande cantatrice que l’Allemagne ait jamais possédée ?.., et un Richard Wagner à la tête d’une institution servie par cette élite ! Eh bien ! ce merveilleux faisceau de circonstances si exceptionnellement favorables, ne suffit pas à prévaloir contre la paresse, l’inertie routinière, contre le mauvais vouloir des artistes, intimidés par la critique, contre le « despotisme, la méchanceté doublée d’ignorance » et « l’orgueil de courtisan » dont fit preuve l’intendant, qui, tyrannique vis-à-vis du Kapellmeister, son subordonné, avait, à l’égard des journaux, une peur servile.

Wagner a résumé la situation en ces quelques mots : « Tous mes efforts de réforme dans l’opéra même, tout ce que j’essayai de proposer, pour donner à cette