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à Paris, en 1861, le fiasco du Tannhäuser ; pareil entêtement se ferait presque admirer ! Ce qu’il y avait de triste, toutefois, ce n’était pas tant l’attitude de la presse ; si elle se sentait être l’ennemie naturelle de la culture allemande, c’était son affaire ; mais que dire de ce public allemand, je parle du public cultivé, qui croyait tout ce qu’elle lui disait et se saturait avidement de ses ineptes bavardages ? De ces articles de journaux, à propos des Festspiele, on fit des brochures, qui eurent vingt éditions et plus, et dont l’enfantine niaiserie, la bêtise souvent obscène, eussent dû, à ce public, ne faire d’autre effet que de l’écœurer. Sans doute la victoire finale ne devait pas rester à cette cabale : mais combien de mal ne fit-elle pas ? Ce fut elle qui réussit à détourner le public, en 1876, de la deuxième et de la troisième représentations du cycle, et ainsi, à creuser le décourageant déficit ; et ce fut ainsi que le maître se vit forcé de vendre à une agence théâtrale son Anneau du Nibelung, ce fruit de trente années de travail et de lutte, cette œuvre réservée à Bayreuth, conçue pour Bayreuth, pour laquelle la salle de Bayreuth avait été construite, de la vendre, dis-je, costumes, décors, tout enfin, telle qu’elle était. Et ce fut ainsi qu’il perdit tout espoir d’une seconde représentation à Bayreuth, si ardemment désirée pourtant, de l’Anneau du Nibelung ; ainsi qu’il dut abandonner l’œuvre de sa vie à la routine écœurante de l’opéra traditionnel. Une autre conséquence, ce fut la suspension des Festspiele : à peine commencés, ils se trouvaient interrompus. Et cela encore exerça une déplorable influence sur le second « patronat », fondé en 1877, et mit à néant la création de ce cours d’exercices, qui, selon le plan de Wagner, devait s’étendre à plusieurs années, « pour former de façon normale et intelligente des chanteurs, des musiciens