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domaine intérieur ; universalisée, parce que la musique ne manifeste jamais ce qui est spécial, individuel, mais bien ce qui est général, si bien que, en se combinant avec l’image scénique, elle prend, vis-à-vis de nous, une valeur allégorique, et s’élève ainsi, sans qu’un acte de réflexion de notre part soit nécessaire, à la dignité d’un symbole gros d’infini.

Wagner pouvait donc, bien mieux, il le devait, amener les actions à une force d’intelligibilité et de conviction que n’eussent pu rêver ni un Sophocle, ni même un Shakespeare. Nous avons vu, dans les Maîtres Chanteurs, une action poignante nous être représentée, dans toutes ses vicissitudes (en rapport constant avec les événements extérieurs), presque sans parole, par la seule éloquence de la musique, et cela, dans tout le développement de cette action intime ; dans l’Anneau du Nibelung, l’action, déposée tout d’abord dans l’âme d’un héros surhumain, devient par là de taille à embrasser le monde, et le développement historico-tragique peut ainsi se continuer à travers les générations successives, sans que l’unité formelle en ait à souffrir ; tout au contraire, elle n’en pénètre l’ensemble grandiose qu’avec plus de puissance et de précision ; dans Tristan et Iseult, les héros, dès le premier acte, meurent au monde extérieur, et il ne reste presque que ce « centre le plus intime du monde », leur moi conscient, où l’action la plus brûlante se poursuit pendant tout un drame ; enfin, dans Parsifal, un rôle capital est donné à la vue (comme dans les Maîtres Chanteurs), et à l’intelligence (comme dans Tristan), et ici l’image et la parole pénètrent dans le cœur du héros, s’y clarifient de plus en plus et nous sommes amenés, tant par l’image scénique et plastique des impressions éprouvées par Parsifal, que par la ma-