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intime de cette action, si ce même trait distinctif ne se fût tout d’abord, manifesté et accentué dans sa propre intelligence.

Ici, un coup d’œil rétrospectif devient nécessaire.

Encore que de tout temps le but de la plus noble poésie dramatique ait été la manifestation des mouvements intérieurs de l’âme, ceux-ci ne pouvaient jamais être représentés immédiatement, mais seulement par voie médiate, par les mouvements du corps et par ceux de la raison. Mais dans le drame de Wagner, aux moyens médiats d’expression que peuvent fournir le geste et la parole, s’ajoute, par la musique, la manifestation directe, immédiate des mouvements de l’âme.

Combien profonde, presque inconcevable pour nous autres modernes, était la signification de la musique pour la vie grecque dans son ensemble, on le sait : la musique et la gymnastique étaient, à cette époque de floraison artistique, les deux maîtres-piliers de toute culture. Dans son Beethoven, Wagner dit : « Il nous semble certain que la musique des Hellènes pénétrait, pour eux, tout le monde phénoménal et s’alliait intimement aux lois qui le manifestent à notre intelligence. Les nombres de Pythagore ne prennent vraiment vie que sous l’angle de la musique ; l’architecte observait l’eurythmie, le statuaire l’harmonie des proportions dans la création des lignes et des formes ; les règles mélodiques, du poète, faisaient un chantre, et les accents inspirés des chœurs projetaient le drame sur la scène ». Une atmosphère musicale entourait donc toute la vie des Grecs, et nous ne saurions douter qu’aussi dans le drame, abstraction faite de l’influence de la musique sur la versification, influence dont on ne saurait trop accentuer la grande importance, le chant jouait en Grèce un rôle considérable, qu’il