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tique ! Et d’autres projets encore, semble-t-il, l’agitaient, qui n’arrivèrent pas au point de maturité de l’esquisse écrite : particulièrement un Achille, donc un drame classique ; en outre, des sujets comiques. On touche ainsi du doigt combien peu Wagner se laissait conduire par une théorie. D’un théoricien à lui, il y a toute la distance qui sépare, d’un professeur de géographie, un explorateur. Wagner, lui, cherchait, cherchait encore, jusqu’à ce qu’il eût trouvé. Sans doute, lorsqu’en effet il eût trouvé, lorsqu’à la riche expérience qu’il avait acquise dans le commerce des grands dramaturges et des maîtres de la musique, ainsi que dans sa propre activité créatrice, fut venue s’ajouter l’expérience nouvelle, résultat nécessaire de tant de projets caressés et arrêtés dans leur élaboration intérieure, alors il sentit le besoin de parvenir à une clarté logique complète. « Ne déprécions pas trop la force de la réflexion », écrit-il en 1847 ; « l’œuvre d’art produit de l’inconscience, appartient à des périodes déjà loin de nous : l’œuvre d’art de la plus haute période de culture doit se produire en pleine conscience… » Et bien que l’artiste ait dû rejeter, l’un après l’autre, tous ces projets dramatiques, il ne perdit pas courage ; mais il ne pouvait pas abandonner son activité d’artiste à un hasard aveugle ; il se ressaisit presque violemment et dirigea « la force de son esprit réfléchi sur les fruits si abondants de la plénitude de son énergie créatrice. » Ce fut dès 1849-1850 que parut la brillante série de ses écrits artistiques, depuis l’Art et la Révolution jusqu’à Communication à mes amis. Le résultat capital de cette activité littéraire, pour la vie propre du maître, ce ne fut pas, il l’a dit, l’effet produit au dehors, mais bien le fait que devint parfaitement par là « il se clair à lui-même ».