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Malgré la foule qui y courait, un critique disait : « Il ne s’est trouvé un grand nombre d’admirateurs, ni pour les complications mystiques de l’action, ni pour l’enfantin langage que bégaie cette musique[1] ». Pendant trente ans et plus, nous retrouvons les mêmes ironies comme stéréotypées : « Un petit noyau d’élus est seul capable de découvrir et d’apprécier toutes les beautés si vantées de l’œuvre. » Tout d’abord, ce cliché apparaît dans la Nouvelle Revue musicale de 1846, et se rapporte, alors, à Tannhäuser ! Enfin, la critique, pour celui-ci, dut rendre les armes ; alors, autre chanson : « L’indiscutable faveur qu’on accorde à Tannhäuser… se reporte, en une certaine mesure, sur Lohengrin… bien que… etc. ». Puis, la critique est forcée de reconnaître, dans Lohengrin aussi, « un chef-d’œuvre génial », mais il a fallu, en moyenne, un quart de siècle aux grands journaux allemands pour en arriver là ! Mais Tristan ! ici, il y avait, décidément, aberration. Plus tard, Tristan est sacré chef-d’œuvre, mais c’est l’Anneau, à son tour, qui est un monstre. Et ainsi de suite.

Si je mentionne toutes ces misères, c’est pour bien montrer que l’opposition contre Wagner n’est jamais venue du côté du public, mais toujours de la critique et des « cercles artistiques » dirigeants ; la disposition hostile à Wagner, qu’on trouve dès lors chez tant de gens cultivés, les assertions stupides qui ont cours, encore aujourd’hui, sur ses œuvres et sur sa personne, tout cela n’est, exclusivement, que le fruit de cette guerre de plume. Mais il importe de savoir que, tandis

  1. On trouvera des citations encore plus complètes, toutes tirées des plus grands journaux de Berlin, dans le Richard Wagner de Wilhelm Tappert (pages 57 et sq.).