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n’a point son but en elle-même, mais demeure uniquement un moyen d’expression. Qu’on veuille aussi considérer que la technique musicale de Wagner était, si j’ose ainsi parler, purement intellectuelle ; il n’a pas perdu une seule heure de sa vie à l’acquisition de l’habileté technique, mécanique, qu’il faut pour se rendre maître d’un instrument quelconque. Même les services incomparables qu’il a rendus comme chef d’orchestre ne sauraient être envisagés comme le résultat d’une virtuosité exceptionnelle, mais bien comme celui d’une conception vivante du contenu poétique des grandes œuvres musicales, telles qu’elles se révèlent à un grand poète. Mais, en réalité, Wagner n’était pas destinéàêtre chef d’orchestre, et ce ne fut que le besoin qui le força à en accepter les fonctions. Semblables services, ceux d’un chef d’orchestre poète, ne sont pas de ceux qu’on puisse attendre tous les soirs de spectacle. Puis, Wagner était dramaturge : sa place était sur la scène, pour y diriger toute l’exécution scénique, y compris la part revenant à la musique ; et c’est bien cette place qu’il occupa à Munich et à Bayreuth. Le considérer à travers les lunettes de la notion circonscrite de chef d’orchestre d’opéra, c’est donc le défigurer absolument, car si l’on appelle Molière, par exemple, un comédien, on accentue une vérité qui aide à caractériser son génie ; mais à classer Wagner comme musicien de profession, on commet une grave faute de logique, en donnant à l’accessoire les proportions de l’essentiel. C’est la même erreur que de faire, de Schiller, un historien et, par là, d’assigner à son activité poétique une place subordonnée. On ne devrait donc plus comprendre le malentendu de ceux qu’hypnotise, en Wagner, le bâton du chef d’orchestre dirigeant l’exécution d’un opéra ; mais il est plus difficile de remettre les choses au point en ce