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la dignité de l’art se fonde sur ce fait, que la connaissance artistique est une connaissance « purement objective », et réalise, comme telle, la forme suprême de la connaissance.

Mais de même que le philosophe et l’artiste étaient parvenus à cette conception par des voies différentes, de même cette conception les a ensuite conduits dans des directions différentes. Schopenhauer ne se préoccupe que de son système de métaphysique : « La philosophie, dit-il, restera une entreprise vaine, aussi longtemps qu’elle ne substituera pas la connaissance artistique à la connaissance scientifique. » Mais Wagner, l’artiste — qui, « même dans son art, ne cherchait que la vie » — de cette conception de la connaissance artistique a aussitôt conclu : que « l’art devait être le véritable éducateur de la vie humaine. »

Il estimait que le sentiment artistique, à lui seul, produisait déjà une connaissance purement objective. « L’homme y parle à la nature, et la nature lui répond. Et ne comprend-il pas mieux la nature, dans cet entretien, que ne fait le savant à travers son microscope ? Celui-ci ne comprend de la nature que ce qu’il n’a nul besoin d’en comprendre, tandis que l’artiste, dans la fièvre de l’inspiration, devine au contraire ce qu’elle a pour lui de plus nécessaire. Et la compréhension qu’il en a est d’une étendue infinie, et c’est une compréhension où ne saurait atteindre l’effort le plus vaste de l’intelligence abstraite ». Ce que l’artiste comprend de la nature, en effet, c’est « l’essence même des choses, sous la variété de leurs rapports ». « Il jette un cri : et dans le cri qui lui répond, c’est lui encore qu’il retrouve. Il perçoit, dans le sentiment artistique, ce que lui ont caché les distractions de la vie ordinaire, à savoir que son être intime ne fait qu’un avec l’être intime de toutes