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V


Comment la doctrine de la régénération, chez Wagner, partant de trois points de vue différents, l’un empirique et historique, l’autre abstrait et philosophique, le troisième religieux, se montre à nous sous trois formes correspondantes, c’est ce que je crois avoir suffisamment exposé. Il me reste à dire un mot de l’élément où les trois mondes prennent conscience de leur unité, celui qui joue un rôle si prépondérant dans cette vision générale des choses : l’Art.

Son action, dans chacun de ces trois domaines, est décisive.

Déjà dans le premier écrit de Zurich, l’Art et la Révolution, Wagner attribue à l’art une destination des plus hautes : « C’est précisément à l’art qu’il appartient de faire reconnaître à ce besoin social (de libre dignité humaine) sa signification la plus noble, de lui montrer sa direction vraie. » Il reconnaît toutefois que, sans doute, « ce n’est pas par l’action de l’art seul que nous parviendrons à développer la société humaine dans un sens humainement beau et noble » ; ce n’est pas à Apollon seul, ce dieu de l’art, que l’avenir doit élever un temple, mais aussi « à Jésus, qui souffrit pour l’humanité ! » Donc, alors même que la pensée de Wagner, sur ce point de la régénération, n’est point encore mûrie, alors déjà s’en dégage nettement cette idée, que l’art, dans cette transformation désirable de la société humaine, doit jouer le rôle d’un intermédiaire indispensable. Il doit révéler à l’homme la signification de ce besoin pressant et inconscient, montrer au dévoyé sa direction vraie. Il n’exerce point