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trine de la régénération, du point de vue philosophique, arriverait avec peine à concilier des principes si opposés en apparence. Mais c’est que la racine, dont la sève arrive à l’épanouissement dans la conviction de Wagner, part d’une couche plus profonde : à vrai dire, cette doctrine est une doctrine religieuse.

Le principe du Credo de Wagner est la conviction d’une signification morale du monde, conviction qui n’admet pas le doute : « La reconnaissance d’une signification morale du monde est le couronnement de toute connaissance ». Cette connaissance est aussi la base de l’espérance, et par là, la source de la foi dans la régénération. En 1853, Wagner écrit : « J’ai foi en l’avenir du genre humain, et je ne tire cette foi, simplement, que du besoin que j’en éprouve ». Mais la foi, issue de ce besoin intime de croire, s’appelle religion, et cette première proposition aide à en mieux comprendre une autre, que Wagner énonça plus tard : « Toute véritable aspiration, et toute force rendant possible l’accomplissement de la grande régénération ne sauraient avoir leur origine que dans le sol profond d’une religion ». Donc, sans religion, nous ne pouvons ni acquérir la force nécessaire à la régénération, ni même nous y sentir portés. La religion est bien, on le voit, la condition sine qua non sur laquelle repose toute la doctrine wagnérienne de la régénération.

Il est difficile, ici, de ne pas songer à Feuerbach, à sa foi inébranlable en l’avenir, et à sa noble ambition d’inspirer un nouveau souffle de vie à la religion dont l’empire décroît, en l’employant à féconder le terrain solide de la réalité. Mais si je mentionne Feuerbach, c’est surtout pour montrer combien « l’optimisme religieux » de Wagner diffère de toute foi matérialiste en l’avenir, comme celle de ce philosophe. La diffé-