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construction artificielle et imaginaire » ; mais il n’admet pas davantage l’idée de déchéance ; pour lui, le résidu final de l’histoire, c’est qu’on se trouve en présence d’un « être, toujours le même, toujours égal à lui-même, immuable, qui fait aujourd’hui ce qu’il a fait hier et toujours » (Œuvres complètes, III, 507). Schopenhauer, il est vrai, affirme la doctrine de la chute, mais expressément à titre de mythe, car l’existence elle-même est péché en soi. Selon ce philosophe, le sage, comme le Wotan de Wagner, ne peut « vouloir qu’une chose : la fin ! la fin » ! Avec une grande hardiesse, Wagner, qui possédait pleinement la métaphysique de Schopenhauer, et qui s’y rangeait sans réserves, a entrepris de jouer, vis-à-vis de cette philosophie, le même rôle que Schopenhauer lui-même vis-à-vis de Kant ; il l’a continuée ! Il dit expressément qu’il a trouvé « dans les arguments même que Schopenhauer donne à l’appui de sa condamnation du monde, le fil conducteur pour en faire sortir l’idée d’un salut possible de ce même monde » : Et plus loin : « Les seules routes clairement montrées par Schopenhauer, par où la volonté égarée puisse retrouver sa voie, et qui donnent incontestablement accès à une espérance, ces routes ont été nettement indiquées par notre philosophe, et sur des lignes qui sont celles des religions les plus élevées ; ce n’est pas sa faute si la représentation si exacte du monde, comme elle se dressait seule devant lui, devait le préoccuper si exclusivement qu’il se vit forcé de nous laisser le soin d’explorer ces mêmes routes et d’y marcher ; car c’est sur ses pas, et non autrement, qu’il est possible de les suivre ». Le maître va jusqu’à représenter la philosophie de Schopenhauer comme la seule « qui puisse être recommandée pour marcher avec indépendance dans les voies d’une véri-