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(1851), ces écrits, dis-je, forment donc une seconde série (bien que première en date), traitant de la régénération, série qui forme le complément indispensable de La Religion et l’Art et où le centre de gravité se porte sur l’Art et sur l’Œuvre d’Art. La pensée maîtresse, dans les deux séries, reste la même : l’art ne saurait parvenir à sa pleine floraison dans notre société actuelle, mais seulement dans une société régénérée ; d’autre part, pour cette régénération, la coopération de l’art est indispensable, absolument essentielle.

Celui qui se nourrit de la croyance que l’humanité se trouve dans la voie d’un progrès indéfini, dont on ne saurait entrevoir le terme, — et c’est là la foi du plus grand nombre, celui-là ne saurait admettre ni la nécessité, ni la possibilité d’une régénération. En effet, celle notion de régénération comporte l’admission préalable de deux postulats : la « bonté originelle », au moins relative, de l’homme, pour autant que sa vie et son développement fussent restés en harmonie avec les lois de la nature ambiante et de la sienne propre, et en outre, la conviction qu’historiquement l’humanité a erré, et s’est toujours davantage écartée des voies d’un développement sain et conforme à la nature. Ce qui, pour l’un, est « progrès », pour l’autre, n’est que « déchéance ». Le contraste de ces termes, logiquement opposés, est facile à saisir.

On pourrait se représenter la déchéance comme l’œuvre d’une puissance fatale, contre laquelle toute résistance serait inutile, comme une déchéance inéluctable, semblable aux effets de l’âge sur l’individu… Mais elle peut être aussi le résultat d’une véritable déviation, et alors il y a évidemment à l’envisagee bien en face, et à la tenir pour certaine, pour faire un premier pas et non le moins important, vers la régénération dé-