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À côté de la doctrine toute simple et pratique d’une régénération de l’humanité, on trouve, dans les écrits de Wagner, de constantes allusions à la philosophie de Schopenhauer, qui, en un certain sens, doit lui servir de base. Or on sait que, dans cette philosophie, la « nouvelle naissance » métaphysique est présentée comme la connaissance complète, comme la pénétration, pourrait-on dire, de l’individualité, et la réversion de la volonté qui en est la conséquence. Un philosophe ne se fût jamais aventuré à rattacher à cette idée ou à toute autre partie du système de Schopenhauer, une doctrine d’une régénération du genre humain, encore moins à édifier cette dernière sur une telle base, Wagner, par contre, n’étant point un philosophe, mais « un artiste et un voyant », ne s’arrête point à de semblables scrupules. Il ne ferme les yeux ni à lacognition métaphysique de l’individu pensant, ni aux convictions qui s’imposent dans la contemplation vivante de l’histoire du genre humain. Par exemple, dans le même écrit où se trouve la doctrine positive de la régénération, il cite avec éloge ces mots de Schopenhauer : « La paix, le repos et la béatitude n’habitent que là ou il n’y a ni : Où ? ni : Quand ? » Il y parle aussi de « l’urne angoissée par l’illusion de l’apparence réelle du Monde »… Il y a là de quoi nous étonner : devonsnous donc nous vouer à l’accomplissement d’une régénération qui nulle part, en aucun temps, ne saurait aboutir à un résultat quelconque ? Pouvons-nous fonder l’espoir d’un avenir historique sur un passé également historique, si toute l’apparence réelle du Monde n’est qu’illusion et mensonge ? Mais, dans la conception de Wagner, ces hésitations ne sauraient avoir de valeur qu’au point de vue d’une contradiction de logique pure ; elles n’ont aucune portée pour la connaissance