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possibilité d’une réforme. Déjà dans l’été de 1849, il écrivait l’Art et la Révolution, et en septembre 1850 il mande à Uhlig que « maintenant, il n’a plus foi en une réforme quelconque, mais que son unique espoir est dans la révolution ».

Si nous acceptons l’étiquette de révolutionnaire, appliquée à Wagner, comme admissible, sinon comme exacte au sens courant du terme, il faut bien que le lecteur comprenne que la participation du maître au mouvement politique de 48-49 n’a absolument rien à faire ici. De son propre aveu, il était alors « engagé dans l’erreur et entraîné par la passion » ; les événements de cette époque peuvent avoir une haute valeur pour l’étude de son caractère (de son intrépidité, de sa foi à l’esprit allemand, etc.), mais aucune pour celle de ses opinions sociales. Celles-ci, nous les trouvons exprimées avec toute la précision et tous les développements désirables, dans ses écrits, de 1849 à 1883. Et c’est leur lecture attentive qui nous permet de ne pas rejeter, d’emblée, l’épithète de révolutionnaire comme s’appliquant à Wagner.

Mais alors, qu’est-ce qu’il entend par révolution, puisqu’il ne veut pas dire révolution politique ? Il entend par là « cette grande révolution humaine, dont les premiers débuts jetèrent à bas jadis la tragédie grecque », dont « l’activité première… s’employa à la dissolution de l’État athénien » ! Il y a plus de deux mille ans, depuis le triomphe de Périclès, « ce révolutionnaire parmi les hommes d’État », que l’Europe vit dans un désordre de révolution. L’État véritable, l’État rêvé, « a été entraîné dans une chute perpétuelle, ou plutôt il n’est jamais arrivé à se réaliser » et notre prétendue civilisation est « un chaos ». Toute notre activité politique, qu’elle affecte des allures réactionnaires,