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« l’Allemand est conservateur » ; mais faire pour cela de lui un conservateur serait un paradoxe par trop audacieux ; conservateur, il ne le fut jamais, au sens politique et courant de ce terme.

La formule : « un roi absolu, un peuple libre », condamne implicitement toute noblesse héréditaire. Celle-ci, une fois sa tâche historique remplie, n’est plus qu’un intermédiaire, qui sait s’approprier les avantages ordinaires de tous les intermédiaires ; et, uniquement préoccupée qu’elle est des intérêts égoïstes de sa classe, diminue d’autant les droits du souverain et les droits du peuple. Dans son discours de Dresde, Wagner réclame comme la condition absolue de « l’émancipation de la royauté », « l’extinction du dernier reflet d’aristocratie ».

Que cette attitude vis-à-vis de la noblesse ait fait classer Wagner parmi les libéraux, cela n’a certes rien d’étonnant. Mais il n’a pas mérité, non plus, cette réputation, car déjà en 1850 il appelle « tout notre libéralisme »… « un jeu d’esprit dont les visées sont peu claires», et ce qu’il dit plus tard, dans ses divers écrits, sur le règne du libéralisme, fait toujours souvenir du mot de Gœthe : « Une idée ne doit pas être libérale ! »

Il y aurait peut-être plus d’apparence à dire que Wagner aurait été, pour un temps au moins, un vrai démocrate, mais ce n’est encore qu’une apparence. Dans le discours si souvent mentionné, il parle, je le sais, de démocratie ; le but proposé est le gouvernement populaire ; mais comme tout l’argument vise le maintien de la royauté héréditaire, et que l’orateur s’élève avec violence contre le constitutionnalisme, la portée démocratique de ce manifeste est plus que problématique. Et c’est bien l’impression qu’il laissa à tous ses auditeurs, les membres de l’Association patriotique,