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pas précisément en 1848 qu’il écrit Jésus de Nazareth, cette glorification de la personne divine du Sauveur ? Dans les dernières lignes de l’Art et la Révolution n’invoque-t-il pas : « Jésus qui souffrit pour l’humanité, et Apollon, qui lui apporta la dignité dans la joie », préludant, en termes identiques, à une grande pensée que, trente ans plus tard, il devait formuler dans son ouvrage célèbre, la Religion et l’Art.

Il est donc établi que de tout temps Wagner a reconnu dans la foi en Dieu, dans la religion, la seule base normale et possible de la vie sociale. Bien plus, il était tenté de ne voir dans l’État qu’une superfétation, qui ne trouve sa raison d’être que dans le caractère défectueux de notre religion ; il n’était pas loin d’admettre cet idéal : « une religion et point d’État ». Et bien qu’il ait dû, plus tard, rabattre quelque chose d’exigences aussi extrêmes, cette formule venait bien du fond de son cœur.

Quant à sa politique proprement dite, elle se résume, comme l’on a vu, dans cette formule ; « Roi absolu, peuple libre ». Et l’on ne saurait croire à quelle masse d’inepties cette contradiction apparente de son credo politique a donné naissance : les uns le taxent de réactionnaire, les autres de socialiste, d’autres encore lui font changer d’opinion tous les deux ou trois ans. Mais assez là-dessus, c’est à Richard Wagner, et non point à ses commentateurs, que nous avons affaire.

Il faut se pénétrer de ceci : c’est que pour Wagner, les deux termes, roi absolu, peuple libre, loin de se contredire, sont corrélatifs. Le peuple n’est libre que quand un seul règne, non quand beaucoup gouvernent ; de son côté, le roi n’est vraiment le monarque, le seul maître, que s’il n’a ni à satisfaire les ambitions rivales de nobles avides, ni à se concilier une majorité parle-