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car il est lui-même le témoignage le plus éclatant de la présence du divin en nous. Pour nous, les œuvres d’un Shakespeare, d’un Beethoven, d’un Wagner, sont vraiment des miracles ; Wagner lui-même affirme qu’il se trouve, en face de son œuvre une fois terminée, comme en face « d’une énigme ». On comprend, d’ailleurs, que ce côté de sa nature se soit accusé avec plus de relief chez le vieillard vivant à l’écart du monde, que chez l’homme engagé dans le combat tumultueux de la vie. Vers le soir de nos jours, il se fait comme une éclaircie révélatrice, l’horizon se dégageant enfin des fumées de la bataille. Mais on ne saurait que sourire de l’opinion qui voudrait que l’âge seul eût rendu Wagner « religieux » ; car, dans son époque dite « révolutionnaire », en se tournant, comme il le fit alors, contre une église abâtardie, il montrait déjà combien les choses de la religion le préoccupaient ; un Luther, un Savonarole n’avaient pas agi autrement.

En revanche, il faut le remarquer, cette double vie, cette faculté de communication directe, immédiate, avec un autre monde, donnent à l’activité créatrice du génie son cachet particulier, en la rendant presque, su même tout-à-fait, indépendante des circonstances extérieures. C’est au milieu des angoisses de Paris et des dégoûts de Vienne que naissent le poème des Maîtres Chanteurs et la musique des scènes les plus gaies du premier acte, c’est en pleine idylle, dans la paix de Triebschen, que surgit le Crépuscule des Dieux ! Et voilà pourquoi je ne saurais nullement découvrir de relation logique nécessaire entre le Parsifal, l’œuvre dernière du maître, et les impressions ou les expériences de ses dernières années. C’est pendant les tranquilles années passées à Zurich que la figure du