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dernier chapitre une discussion plus approfondie de l’idée des Festspiele : ici, elle serait prématurée. L’expérience, en effet, a montré que qui ne connaît point les idées de Wagner et ce qui constitue et distingue son activité artistique, est incapable de comprendre l’intention fondamentale qui présida à la création de ces fêtes de l’art. Pour celui-ci, le Festspielhaus reste « un théâtre wagnérien, » tout au plus « un théâtre modèle «. Pour comprendre Bayreuth, il faut comprendre la philosophie de Wagner, ses vues sur le monde. Cette seule remarque fait toucher du doigt ce qu’ont eu de tragique les dernières années de sa vie. Il avait cru n’avoir « qu’à dévoiler l’édifice que l’esprit allemand avait préparé » ; mais, rentré chez lui, l’Allemand victorieux pensait à tout autre chose qu’à l’art, et Wagner, tout particulièrement, lui était une figure étrangère. Il ne connaissait de lui et de ses œuvres que des exécutions mauvaises, mutilées, adaptées tant bien que mal aux conditions de l’opéra[1], et par les comptes-rendus d’une presse totalement ignorante de ce dont il s’agissait, et guidée uniquement par sa haine sans bornes pour Wagner. Ses écrits, l’Allemand ne les connaissait guère, et sans l’impression vivante de son art (j’entends l’impression vraie, non l’impression faussée), ils devaient, d’ailleurs, rester lettre close pour la grande masse de leurs lecteurs, en eussent-ils eu des milliers. Cette ignorance est la seule explication, comme la seule excuse, qu’on puisse donner de la honteuse et longue indifférence pour le

  1. Wagner écrit à Liszt : « Je sais de source certaine que tous mes prétendus succès se fondent sur des exécutions mauvaises, très mauvaises, de mes œuvres, et que, dès lors, ces « succès » ne reposent que sur des malentendus. Aussi ma renommée publique ne vaut-elle pas une coquille de noix. »