Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du monde, dans une retraite absolue, les années les plus heureuses et les plus paisibles de sa vie ; et puisque les Munichois[1] ne voulaient rien entendre de son « Théâtre populaire idéal, » il allait ériger le Festspielhaus à Bayreuth, pour sa gloire immortelle. Mais indépendamment de ces fruits précieux, que l’avenir devait mûrir, Wagner avait sauvé, des ruines de pes années honteuses pour l’Allemagne, deux trésors bien précieux, eux aussi : la faveur de Louis II, et le souvenir, si plein d’encourageante certitude, de la représentation de Tristan.

Ce qui donne toute sa signification au rôle joué par Louis II, c’est que, chez lui, il ne s’agit point de protection des artistes au sens ordinaire des devoirs inhérents à la royauté ; point non plus d’un goût passionné, exclusif, pour la musique, comme on s’est souvent plu à le répéter. On peut dire, bien plutôt, que la nature intellectuelle du roi l’apparentait aux grands artistes. La première et forte impression que lui laissa la musique de Wagner le conduisit à étudier

  1. Afin qu’on ne puisse le nier, aujourd’hui que Munich regarde avec envie du côté de Bayreuth, qu’on me permette deux courtes citations. La Gazette d’Augsbourg disait, le 25 janvier 1867 : « Maintenant on parle de nouveau d’ériger le théâtre populaire idéal. Avec beaucoup de gens compétents, nous pensons qu’en poser la première pierre, serait poser celle d’une ruine. » Le 19 février 1809, on lisait dans le même journal : « Certes, nous voudrions pouvoir saluer le jour où Richard Wagner et ses amis enfin vraiment « renversés », tourneraient une bonne fois le dos à notre bonne et fidèle ville de Munich et à lout le royaume de Bavière. » C’est à dessein que je choisis ces citations après la guerre de 1866 et dans une époque où Wagner, depuis longtemps, n’habitait plus Munich. Il ne s’agit plus des brutalités populaires qui, en 1865, avaient menacé sa personne, mais bien d’une expression de l’opinion calme et raisonnée du journal bavarois le plus distingué et de celle des « gens compétents » !