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Parfois, à l’auberge où nous déjeunions, l’hôtesse lui présentait quelques malades, et l’illustre opérateur ne manquait jamais de leur donner gratuitement ses soins. Que dis-je, gratuitement ! Après les avoir guéris, il leur offrait une somme pour leur convalescence.

Une femme de service s’adressa à lui, sous nos auspices, pour un cancer au sein qui commençait. Lisfranc l’emmena à la Pitié dans sa propre calèche, la soigna parfaitement, et lui dit, en la tutoyant d’un ton brusque, lorsqu’elle fut rétablie :

« Tiens, puisque tu n’as pas été aussi bête que les autres, puisque tu n’as pas attendu pour me consulter qu’il ne fût plus temps d’agir, voilà deux cents francs… Va passer un mois dans ton pays de Normandie, et tu en reviendras absolument bien portante. »

Une autre fois, il entreprit de guérir une de mes petites nièces, âgée de trois ans. Il fallut de nombreuses visites, de nombreuses incisions au pied.

Ce chirurgien, d’ordinaire assez rude en paroles et en mouvements, se montra pendant plusieurs mois d’une aménité charmante. Il apportait des bonbons à l’enfant, il l’amadouait, et lui disait avant d’opérer :

« Si la petite Maria est bien sage, je lui appor-