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Au sein de cette future édition difficile, mais possible, d’André Chénier, on trouverait moyen de retoucher avec nouveauté les profils un peu évanouis de tant de poètes antiques ; on ferait passer devant soi toutes les fines questions de la poétique française ; on les agiterait à loisir. Il y aurait là, peut-être, une gloire de commentateur à saisir encore : on ferait son œuvre et son nom, à bord d’un autre, à bord d’un charmant navire d’ivoire. J’indique, je sens cela, et je passe. Apercevoir, deviner une fleur ou un fruit derrière la haie qu’on ne franchira pas, c’est là le train de la vie.

Ai-je trop présumé pourtant, en un moment de grandes querelles publiques et de formidables assauts, à ce qu’on assure[1], de croire intéresser le monde avec ces débris de mélodie, de pensée et d’étude, uniquement propres à faire mieux connaître un poète, un homme, lequel, après tout, vaillant et généreux entre les généreux, a su, au jour voulu, à l’heure du danger, sortir de ses doctes vallées, combattre sur la brèche sociale, et mourir ?

1er février 1839.

    et Chénier :

    .....L’inventeur est celui…
    Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites.
    Étale et fait briller leurs richesses secrètes,
    N’est-ce là qu’une rencontre ? N’est-ce pas une heureuse traduction du prosaïque interior angulus, et fouillant pour intelligit ? — On a un échantillon de ce qu’il faudrait faire sur tous les points.

  1. C’était le moment de ce qu’on a appelé la Coalition, dans laquelle les gagnants de Juillet, sous prétexte qu’on n’avait pas le vrai gouvernement parlementaire, s’étaient mis à assiéger le ministère et à le vouloir renverser coûte que coûte, comme si la dynastie était assez fondée et de force à résister au contre-coup.