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de les imiter, il a réellement observé lui-même. On sait le joli fragment :

Fille du vieux pasteur, qui d’une main agile
Le soir remplis de lait trente vases d’argile,
Crains la génisse pourpre, au farouche regard…[1]

Eh bien ! au bas de ces huit vers bucoliques, on lit sur le manuscrit : vu et fait à Catillon près Forges, le 4 août 1792 et écrit à Gournay le lendemain. Ainsi le poète se rafraîchissait aux images de la nature, à la veille du 10 août[2].

Deux fragments d’idylles, publiés dans l’édition de 1833, se peuvent compléter heureusement, à l’aide de quelques lignes de prose qu’on avait négligées ; je les rétablis ici dans leur ensemble.


LES COLOMBES[3]


Deux belles s’étaient baisées… Le poète berger, témoin jaloux de leurs caresses, chante ainsi :

« Que les deux beaux oiseaux, les colombes fidèles.
Se baisent. Pour s’aimer les Dieux les firent belles.

  1. Page 93.
  2. On se plaît à ces moindres détails sur les grands poètes aimés. À la fin de l’idylle intitulée La Liberté, entre le chevrier et le berger, on lit sur le manuscrit : Commencée le vendredi au soir, 10, et finie le dimanche au soir 12 mars 1787. La pièce a un peu plus de cent cinquante vers. On a là une juste mesure de la verve d’exécution d’André : elle tient le milieu, pour la rapidité, entre la lenteur un peu avare des poètes sous Louis XIV et le train de Mazeppa d’aujourd’hui.
  3. Page 104.