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 Belle, au lit d’un époux nourrisson de la France,
Me fit naître Français dans les murs de Byzance.


XC[1]

ÉLÉGIE ORIENTALE


Trop longtemps le plaisir, égarant mes beaux jours,
A consacré ma lyre aux profanes amours.
J’ai trop chanté de vers trop suaves, peut-être.
Que l’œil de la pudeur n’a point osé connaître.


Mais aujourd’hui que mon âge a commencé de se calmer, que les belles m’inspirent des fureurs plus tranquilles, je puis sans interruption chanter sur un ton plus austère… je vais achevant mon Hermès[2]… surtout les champs de et tel pays m’ont vu travailler avec délices à mon poème de Suzanne… pudeur ! Vierge sainte, c’est pour toi que je fais cet ouvrage… il sera chaste et pur comme toi ; puisse-t-il comme toi charmer et plaire ! Je veux que ta bouche le répète… Je veux qu’avant d’être épouse, une belle innocente, le soir, le récite auprès de sa mère attentive. Ainsi donc, mes vers, dites adieu… vous n’irez plus… je ne vous verrai plus


En de brûlants tableaux, en de vives paroles,
Offrant le vain amas de mes jeunesses folles,
Alarmer l’innocence ; et, trop coupable affront,
D’un timide embarras couvrir un chaste front.

  1. Éd. G. de Chénier.
  2. Voy. le poème qui porte ce titre.