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Quel Titan foudroyé respire avec effort
Des cavernes d’Etna la ruine et la mort ;
Quel bras guide les cieux ; à quel ordre enchaînée
Le soleil bienfaisant nous ramène l’année ;
Quel signe aux ports lointains arrête l’étranger :
Quel autre sur la mer conduit le passager,
Quand sa patrie absente et longtemps appelée
Lui fait tenter l’Euripe et les flots de Malée ;
Et quel, de l’abondance heureux avant-coureur,
Arme d’un aiguillon la main du laboureur.
Cependant jouissons ; l’âge nous y convie.
Avant de la quitter, il faut user la vie :
Le moment d’être sage est voisin du tombeau.

Allons, jeune homme, allons, marche ; prends ce flambeau.
Marche, allons. Mène-moi chez ma belle maîtresse.
J’ai pour elle aujourd’hui mille fois plus d’ivresse.
Je veux que des baisers plus doux, plus dévorants,
N’aient jamais vers le ciel tourné ses yeux mourants.


XXIV[1]


S’ils n’ont point le bonheur, en est-il sur la terre ?
Quel mortel, inhabile à la félicité.
Regrettera jamais sa triste liberté,
Si jamais des amants il a connu les chaînes ?

  1. Édition 1819. Le premier éditeur a fait une soudure aux vers 14 et 15.