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Vint le ravir plongé dans un profond sommeil.
Leur vaisseau le reçoit ; on part ; à son réveil,
Il s’étonne. On lui jure, au moment qu’il les prie,
De voguer vers Naxos qu’il nomme sa patrie.
Il dissimule, et puis, l’œil errant sur les flots :
« Ô ciel ! ah ! malheureux ! ce n’est point là Naxos…
Dieux ! grands dieux ! » et ses mains, dans ses feintes alarmes,
Déchirent ses cheveux, et ses yeux sont en larmes.
« Jeune homme, lui dit l’un, que nous font tes malheurs ?
Tu viendras nous servir ; et laisse là tes pleurs. »
Il dit. — Le vaisseau tremble. Et des formes terribles
De tigres, de lions, de panthères horribles
Fondent sur eux. En foule et n’ayant plus de voix,
Les traîtres du vaisseau s’élancent à la fois,
Ô prodige ! et, couverts d’une écaille étrangère.
Se vont, légers dauphins, cacher sous l’onde amère.


LVII[1]


… Ô mes brebis…


Et vos blanches toisons par le fer moissonnées,
En tissus précieux mollement façonnées,
Pour presser, quand l’hiver soufflera les frimas,
De nos fières beautés les membres délicats,
Iront, passant au loin l’onde phénicienne.
Emprunter au murex sa pourpre tyrienne.

Parler des étoffes de Milet et de Cos.

  1. Éd C. de Chénier.