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Quelles fleurs, près d’une onde où s’égarent tes pas,
Se courbent mollement sous tes pieds délicats ?
Où te faut-il chercher ? Vois la saison nouvelle !
Sur son visage blanc quelle pourpre étincelle !
L’hirondelle a chanté. Zéphire est de retour :
Il revient en dansant ; il ramène l’amour ;
L’ombre, les prés, les fleurs, c’est sa douce famille,
Et Jupiter se plaît à contempler sa fille,
Cette terre où partout, sous tes doigts gracieux,
S’empressent de germer des vers mélodieux.
Le fleuve qui s’étend dans les vallons humides
Roule pour toi des vers doux, sonores, liquides.
Des vers, s’ouvrant en foule aux regards du soleil,
Sont ce peuple de fleurs au calice vermeil.
Et les monts, en torrents qui blanchissent leurs cimes,
Lancent des vers brillants dans le fond des abîmes.


XLVIII[1]


....................
Ma Muse fuit les champs abreuvés de carnage,
Et ses pieds innocents ne se poseront pas
Où la cendre des morts gémirait sous ses pas.
Elle pâlit d’entendre et le cri des batailles.
Et les assauts tonnants qui frappent les murailles,
Et le sang qui jaillit sous les pointes d’airain
Souillerait la blancheur de sa robe de lin.

  1. Éd. G. de Chénier.