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Mais le dieu ne veut pas que nul mortel jamais
S’abreuve sans mélange au vase des bienfaits.
Et ceux-là sont heureux et sont dignes d’envie
Qui pleurent seulement la moitié de leur vie. »

Ils trouvent le malheureux qui errait à grands pas, défait, s’arrachant les cheveux, se meurtrissant le visage et remplissant le rivage de ses gémissements. Sois libre, Hermias, lui crie de loin la jeune fille. Oui, dit le père…

Il s’approche, et mettant les deux mains sur sa tête :
Oui, sois libre, Hermias !… Phœbus conservateur,
Jupiter protecteur, sauveur, libérateur,
Et vous, dieux infernaux, et vous, sœurs vengeresses,
Et qui que vous soyez, hommes, dieux et déesses,
Je vous prends à témoin qu’Hermias de Délos
Est libre. — Va, mon fils, et repasse les flots.
Revois de ta Délos la rive fortunée ;
Dis à ta belle amante, aux autels d’Hyménée,
Qu’Ariston de Thénos est un vieillard pieux,
Qui porte un cœur humain et respecte les dieux. »


DÉDICACE À MILADY COSWAI[1]


Un frais zéphyr d’été, promené sur les eaux,
Émeut moins doucement l’ombrage et les roseaux ;

  1. André avait connu Mme  CoswaI et sa famille à Londres, pendant les quatre années qu’il y passa. Il y avait recherché avec empressement les personnes dont le goût pour la littérature et les arts pouvait avoir quelque sympathie avec lui, afin de tromper cet ennui profond et intolérable qu’il éprouvait sous le ciel de plomb de l’Angleterre.