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Comme elle grande et fière ; et les bergers, le soir,
Quand, le regard baissé, je passe sans les voir,
Doutent si je ne suis qu’une simple mortelle
Et me suivant des yeux, disent : « Comme elle est belle ! »



XXXIV


Les nymphes dansent au clair de la lune.


Le satyre joyeux, au regard enflammé,
Crie, en des bonds légers les lance, les entraîne,
Et de son pied fendu fait retentir l’arène[1].


De nuit, la nymphe errante à travers le bois sombre
Aperçoit le satyre ; et, le fuyant dans l’ombre,
De loin, d’un cri perfide, elle va l’appelant.
Le pied de chèvre accourt, sur sa trace volant,
Et dans une eau stagnante, à ses pas opposée,
Tombe, et sa plainte amère excite leur risée[2].


L’impur et fier époux que la chèvre désire
Baisse le front, se dresse et cherche le satyre.
Le satyre averti de cette inimitié
Affermit sur le sol la corne de son pié ;
Et leurs obliques fronts lancés tous deux ensemble
Se choquent ; l’air frémit, le bois s’agite et tremble[3].

  1. Édition G. de Chénier.
  2. Ibid.
  3. Édition 1833.