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Reçut de son amour un présent trop jaloux,
Victime du centaure immolé par ses coups ;
Il brise tes forêts : ta cime épaisse et sombre
En un bûcher immense amoncelle sans nombre
Les sapins résineux que son bras a ployés.
Il y porte la flamme ; il monte : sous ses pieds
Étend du vieux lion la dépouille héroïque.
Et l’œil au ciel, la main sur la massue antique,
Attend sa récompense et l’heure d’être un dieu.
Le vent souffle et mugit. Le bûcher tout en feu
Brille autour du héros, et la flamme rapide
Porte aux palais divins l’âme du grand Alcide !
....................
Les poisons de Nessus ont souillé ses présents[1]


XXIII[2]


Un jeune homme dira :

J’étais un faible enfant qu’elle était grande et belle ;
Elle me souriait et m’appelait près d’elle.
Debout sur ses genoux, mon innocente main
Parcourait ses cheveux, son visage, son sein,
Et sa main quelquefois aimable et caressante,
Feignait de châtier mon enfance imprudente.
C’est devant ses amants, auprès d’elle confus,
Que la fière beauté me caressait le plus.
Que de fois (mais hélas ! que sent-on à cet âge ?)
Les baisers de sa bouche ont pressé mon visage !

  1. Vers isolé, que M. G. de Chénier rattache au morceau précédent.
  2. Édition 1819.