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Quand, du bélier doré qui traversait leurs ondes,
La jeune Hellé tomba dans leurs grottes profondes.
Oh ! que j’ai craint de voir à cette mer, un jour,
Tiphys donner ton nom et plaindre mon amour !
Que j’adressai de vœux aux dieux de l’onde amère !
Que de vœux à Neptune, à Castor, à son frère !
Glaucus ne te vit point ; car sans doute avec lui ;
Déesse au sein des mers tu vivrais aujourd’hui.
Déjà tu n’élevais que des mains défaillantes ;
Tu me nommais déjà de tes lèvres mourantes,
Quand, pour te secourir, j’ai vu fendre les flots
Au dauphin qui sauva le chanteur de Lesbos.


XVII[1]

AMYMONE


 
Salut, belle Amymone ; et salut, onde amère
À qui je dois la belle à mes regards si chère.
Assise dans sa barque, elle franchit les mers.
Son écharpe à longs plis serpente dans les airs.
Ainsi l’on vit Thétis flottant vers le Pénée,
Conduite à son époux par le blond Hyménée,
Fendre la plaine humide, et, se tenant au frein,
Presser le dos glissant d’un agile dauphin.
Si tu fusses tombée en ces gouffres liquides,
La troupe aux cheveux noirs des fraîches Néréides
À ton aspect sans doute aurait eu de l’effroi,
Mais pour te secourir n’eût point volé vers toi.

  1. Édition 1833.