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— Que m’as-tu dit ? La foudre a tombe sur ma tête.
Dieux ! ah ! grands dieux ! partons. Plus de jeux, plus de fête,
Partons. Il faut vers lui trouver des chemins sûrs ;
Partons. Jamais sans lui je ne revois ces murs.
Ah ! dieux ! quand dans le vin, les festins, l’abondance,
Enivré des vapeurs d’une folle opulence,
Celui qui lui doit tout chante et s’oublie et rit,
Lui peut-être il expire, affamé, nu, proscrit.
Maudissant, comme ingrat, son vieil ami qui l’aime.
Parle : était-ce bien lui ? le connais-tu toi-même ?
En quels lieux était-il ? où portait-il ses pas ?
Il sait où vit Lycus, pourquoi ne vient-il pas ?
Parle : était-ce bien lui ? parle, parle, te dis-je ;
Où l’as-tu vu ? — Mon hôte, à regret je t’afflige.
C’était lui, je l’ai vu ..........
....................
....... Les douleurs de son âme
Avaient changé ses traits. Ses deux fils et sa femme,
À Delphes, confiés au ministre du dieu,
Vivaient de quelques dons offerts dans le saint lieu.
Par des sentiers secrets fuyant l’aspect des villes,
On les avait suivis jusques aux Thermopyles.
Il en gardait encore un douloureux effroi.
Je le connais ; je fus son ami comme toi.
D’un même sort jaloux une même injustice
Nous a tous deux plongés au même précipice.
Il me donna jadis (ce bien seul m’est resté)
Sa marque d’alliance et d’hospitalité.
Vois si tu la connais. » De surprise immobile,
Lycus a reconnu son propre sceau d’argile ;