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Sur leurs bases d’argent, des formes animées
Élèvent dans leurs mains des torches enflammées ;
Les figures, l’onyx, le cristal, les métaux
En vases hérissés d’hommes ou d’animaux,
Partout sur les buffets, sur la table étincellent ;
Plus d’une lyre est prête ; et partout s’amoncellent
Et les rameaux de myrte et les bouquets de fleurs.
On s’étend sur les lits teints de mille couleurs ;
Près de Lycus, sa fille, idole de la fête,
Est admise. La rose a couronné sa tête.
Mais, pour que la décence impose un juste frein,
Lui-même est par eux tous élu roi du festin.
Et déjà vins, chansons, joie, entretiens sans nombre,
Lorsque, la double porte ouverte, un spectre sombre
Entre, cherchant des yeux l’autel hospitalier.
La jeune enfant rougit. Il court vers le foyer ;
Il embrasse l’autel, s’assied parmi la cendre ;
Et tous, l’œil étonné, se taisent pour l’entendre.

« Lycus, fils d’Événon, que les dieux et le temps
N’osent jamais troubler tes destins éclatants !
Ta pourpre, tes trésors, ton front noble et tranquille,
Semblent d’un roi puissant, l’idole de sa ville.
À ton riche banquet un peuple convié
T’honore comme un dieu de l’Olympe envoyé.
Regarde un étranger qui meurt dans la poussière
Si tu ne tends vers lui la main hospitalière.
Inconnu, j’ai franchi le seuil de ton palais :
Trop de pudeur peut nuire à qui vit de bienfaits.
Lycus, par Jupiter, par ta fille innocente
Qui m’a seule indiqué ta porte bienfaisante !…