Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vis, et formons ensemble une seule famille :
Que mon père ait un fils, et ta mère une fille. »


VI[1]

LE MENDIANT


C’était quand le printemps a reverdi les prés.
La fille de Lycus, vierge aux cheveux dorés,
Sous les monts Achéens, non loin de Cérynée,
....................
....................
Errait à l’ombre, aux bords du faible et pur Crathis ;
Car les eaux du Crathis, sous des berceaux de frêne,
Entouraient de Lycus le fertile domaine.
....... Soudain, à l’autre bord,
Du fond d’un bois épais, un noir fantôme sort,
Tout pâle, demi-nu, la barbe hérissée :
Il remuait à peine une lèvre glacée ;
Des hommes et des dieux implorait le secours,
Et dans la forêt sombre errait depuis deux jours.
Il se traîne, il n’attend qu’une mort douloureuse ;
Il succombe. L’enfant, interdite et peureuse,
À ce hideux aspect sorti du fond du bois,
Veut fuir ; mais elle entend sa lamentable voix.
Il tend les bras, il tombe à genoux ; il lui crie
Qu’au nom de tous les dieux il la conjure, il prie,

  1. Édition 1819. Ce morceau avait paru, par fragments, en 1816, dans le recueil intitulé Mélanges littéraires, etc., édité par M. Fayolle.