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Ils voulaient nous voir tous à la folie en proie ;
Que leur front doit être abattu !
Tandis que parmi nous quel orgueil, quelle joie,
Pour les amis de la vertu,
Pour vous tous, ô mortels, qui rougissez encore
Et qui savez baisser les yeux,
De voir des échevins que la Râpée honore[1]
Asseoir sur un char radieux
Ces héros que jadis sur les bancs des galères
Assit un arrêt outrageant,
Et qui n’ont égorgé que très peu de nos frères,
Et volé que très peu d’argent !
Eh bien, que tardez-vous, harmonieux Orphées ?
Si sur la tombe des Persans
Jadis Pindare, Eschyle, ont dressé des trophées,
Il faut de plus nobles accents.
Quarante meurtriers, chéris de Robespierre,
Vont s’élever sur nos autels.
Beaux-arts, qui faites vivre et la toile et la pierre,
Hâtez-vous, rendez immortels
Le grand Collot d’Herbois, ses clients helvétiques,
Ce front que donne à des héros
La vertu, la taverne et le secours des piques !
Peuplez le ciel d’astres nouveaux.
Ô vous, enfants d’Eudoxe et d’Hipparque et d’Euclide,
C’est par vous que les blonds cheveux,
Qui tombèrent du front d’une reine timide,
Sont tressés en célestes feux[2] ;

  1. Pétion et ses collègues de la Commune avaient paru se faire honneur, dans les journaux de leur parti, d’une petite débauche qu’ils avaient faite dans un cabaret de la Râpée (avril 1792).
  2. La constellation de Bérénice.