Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/105

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ces regards purs et doux, que sur ce coin du monde
Verse d’un ciel ami l’indulgence féconde ;
N’éveillent plus mes sens ni mon ame. Ces bords
Ont beau de leur Cybèle étaler les trésors ;
Ces ombrages n’ont plus d’aimables rêveries,
Et l’ennui taciturne habite ces prairies.
Tu fis tous leurs attraits ; ils fuyaient avec toi
Sur le rapide char qui t’éloignait de moi.
Errant et fugitif je demande Camille
À ces antres, souvent notre commun asile ;
Ou je vais te cherchant dans ces murs attristés,
Sous tes lambris, jamais par moi seul habités,
Où ta harpe se tait, où la voûte sonore
Fut pleine de ta voix et la répète encore ;
Où tous ces souvenirs cruels et précieux
D’un humide nuage obscurcissent mes yeux.
Mais pleurer est amer pour une belle absente ;
Il n’est doux de pleurer qu’aux pieds de son amante,
Pour la voir s’attendrir, caresser vos douleurs
Et de sa belle main vous essuyer vos pleurs ;
Vous baiser, vous gronder, jurer qu’elle vous aime,
Vous défendre une larme et pleurer elle-même.

Eh bien ! sont-ils bien tous empressés à te voir ?
as-tu sur bien des cœurs promené ton pouvoir ?
Vois-tu tes jours suivis de plaisirs et de gloire,
Et chacun de tes pas compter une victoire ?
Oh quel est mon bonheur si, dans un bal bruyant,
Quelque belle tout bas te reproche en riant
D’un silence distrait ton ame enveloppée,