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éprouvait les mêmes sensations, la même ivresse, le même alanguissement voluptueux.

Il s’était affaissé sur le plancher ; il se laissait bercer. Une brume voilait sa pensée, dévoilait le drame de sa vie, en dissipait les cruels contours… le chant du violon passait par la gorge de la chanteuse, il revoyait cette femme, il revivait des jours de bonheur !… Dans son cœur se rallumaient, comme en une seule fois, tous les enivrements dont avait été semée sa folle jeunesse ; toute sa vie détruite semblait renaître, transformée en un unique et énigmatique frémissement. Sa détresse elle-même s’enveloppait d’un charme, comme pour se rendre digne d’amour !

Et longtemps encore le violon chanta.


Et Anthime rouvrit les yeux. Son émotion venait de faire une chute lourde ; tout lui parut s’anéantir. Un souffle d’air froid, venu d’en haut, de la brèche par où l’on eût pu voir tomber la neige, déplaçait la lueur sur les fonds de l’obscurité. Son père n’avait pas changé de