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s’il en eût ôté toute autre chose. La nuit vint, et l’on regagna la maison, où il y eut grande assemblée de dames[1], car la femme de Don Antonio, qui était une personne de qualité, belle, aimable, enjouée, avait invité plusieurs de ses amies pour qu’elles vinssent faire honneur à son hôte, et s’amuser de ses étranges folies. Elles vinrent pour la plupart ; on soupa splendidement, et le bal commença vers dix heures du soir. Parmi les dames, il s’en trouvait deux d’humeur folâtre et moqueuse, qui, bien qu’honnêtes, étaient un peu évaporées, et dont les plaisanteries amusaient sans fâcher. Elles s’évertuèrent si bien toutes deux à faire danser Don Quichotte, qu’elles lui exténuèrent non-seulement le corps, mais l’âme aussi. C’était une chose curieuse à voir que la figure de Don Quichotte, long, fluet, sec, jaune, serré dans ses habits, maussade, et, de plus, nullement léger. Les demoiselles lui lançaient, comme à la dérobée, des

  1. Ce qu’on appelait alors un sarao.