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Le bachelier, bien qu’il s’appelât Samson, n’était pas fort grand de taille ; mais il était grandement sournois et railleur. Il avait le teint blafard, en même temps que l’intelligence très-éveillée. C’était un jeune homme d’environ vingt-quatre ans, ayant la face ronde, le nez camard et la bouche grande, signes évidents qu’il était d’humeur maligne et moqueuse, et fort enclin à se divertir aux dépens du prochain : ce qu’il fit bien voir. Dès qu’il aperçut Don Quichotte, il alla se jeter à ses genoux, en lui disant : « Que votre grandeur me donne ses mains à baiser, seigneur Don Quichotte de la Manche ; car, par l’habit de saint Pierre dont je suis revêtu, bien que je n’aie reçu d’autres ordres que les quatre premiers, je jure que votre grâce est un des plus fameux chevaliers errants qu’il y ait eu et qu’il y aura sur toute la surface de la terre. Honneur à Cid Hamet Ben-Engeli, qui a couché par écrit l’histoire de vos grandes prouesses ; et dix fois honneur au curieux éclairé qui a pris soin de la faire traduire de l’arabe en notre castillan vulgaire, pour l’universel amusement de tout le monde ! »

Don Quichotte le fit lever, et lui dit : « De cette manière, il est donc bien vrai qu’on a fait une histoire de moi, et que c’est un enchanteur